LE FONCIER AU COEUR DES RENCONTRES AFDR AGRIDÉES
Le 6 avril, les 20e rencontres de droit rural organisées par Agridées avec l’AFDR ont abordé des points techniques concernant Safer, contrôle des structures, loi Sempastous, etc.
Quelques morceaux choisis:
Samuel Crevel, avocat, rapporte comment le Code rural, scotché sur la famille avec cette notion de gestion en bon père de famille, est hostile à la formule sociétaire. Celle-ci est presque perçue comme une anomalie. La société serait un vecteur d’accaparement des terres agricoles. Cette perception a été véhiculée suite à l’arrivée des Chinois dans l’Indre.
Non, les ETA ne sont pas les ennemis des jeunes agriculteurs désireux de s’installer, a avancé un administratif de la Fédération Nationale Des Entrepreneurs Des Territoires (FNEDT) avec une bonne dose d’hypocrisie. Celui-ci nierait-il que de nombreux propriétaires fonciers veulent garder leurs terres libres? Au lieu de les louer à un fermier, ils préfèrent avoir recours à des entreprises de travaux agricoles qui les cultivent à façon.
François Purseigle estime que perdure la nostalgie de la ferme familiale des années 1960. Ayant décrit l’agriculture de firmes, ce sociologue participe à la chaire Germéa, un groupe d’études et de recherche sur les entreprises agricoles soutenu par les coopératives agricoles comme Vivescia, Terrena et Euralis.
Hervé Lejeune est passé au CNJA, à Groupama puis a conseillé le ministre de l’agriculture Philippe Vasseur avant atterrir à la direction de l’ONF pour terminer à la FAO. Le haut fonctionnaire se lâche: « l’agrandissement des exploitations a été perçue comme un drame mais il y a quelques explications à cette restructuration de la ferme France. Il fallait installer coûte que coûte quand je dirigeais le CNJA. Il y a d’abord eu une baisse du nombre d’exploitations et maintien du revenu agricole ».
« Si on avait maintenu le nombre d’exploitations au niveau de 1990, le revenu d’exploitation d’aujourd’hui serait de près de 40 % de moins en euros constants ».
« Il faut voir la réalité économique car respecter à tout prix certains totems n’a pas beaucoup de sens […] Il y a une responsabilité de la profession à ne pas sortir de ces totems ».
Hervé Lejeune travaille actuellement au CGAER, le laboratoire d’idées du ministère jugé parfois iconoclaste.
Tout d’abord, il considère le portage du foncier sous un angle nouveau. Ainsi, « des coopératives vinicoles désireuses de conserver leur sourcing l’ont adopté pour aider des jeunes à reprendre des exploitations. C’est parfois de l’intégration ».
D’autre part, il y a le souci des terres délaissées dans certains territoires où l’on risque d’assister à de l’enfrichement. « Il y a un enjeu forestier mais l’agrivoltaisme peut aussi être la solution de revenus dans ces zones peu rentables pour des activités purement agricoles ».
Quand on est syndicaliste, on doit s’interroger comment faire évoluer la notion d’agriculteur actif, explique ensuite Jean Louis Chandellier. L’homme est directeur général adjoint à la FNSEA mais se présente comme un second couteau du syndicat majoritaire. En février 2020, Médiapart avait révélé son salaire mensuel de 9600 bruts soit un peu moins que le ministre de l’agriculture de l’époque qui était rémunéré 10100 euros bruts.
« Qui est agriculteur? Je ne crois plus en une définition de l’agriculteur actif car l’agriculture est de plus en plus diverse ». Le dirigeant fait là son mea culpa car il y a environ 5 ans lors d’un colloque à Poitiers, il considérait avec rigidité que l’agriculteur qui faisait appel à une entreprise de travaux agricoles ne pouvait plus être considéré comme agriculteur actif!
« La FNSEA est obligée de se réformer. D’ailleurs, la centrale a ouvert cette définition de l’agriculteur professionnel à des Non Issus du Milieu Agricole (Nimas) ou des installations tardives. On n’aurait plus personne si on ne les accueillait pas […] Alors, faut-il tout contrôler ou contrôler les sociétés qui dépassent les bornes? Limiter les excès est au coeur de la loi. Le problème est de savoir où l’on met le curseur », conclut.
« On traîne des conceptions de politique agricole et d’outils agricoles qui n’ont plus cours ailleurs dans aucun autre secteur et plus du tout à la SNCF », ironise Hervé Lejeune.
« La loi Sempastous est révélatrice de l’obsolescence de nos modèles traditionnels de régulation. Safer et contrôle des structures ne répondent plus à la nouvelle donne. Ce modèle est en crise et cette loi est un pas vers autre chose ». « C’est un texte bien construit » mais « cacophonique », ajoutera aussi l’avocat François Robbe. Les avocats savent naviguer! Pour celui qui préside l’AFDR, « il faut entrer dans l’approche économique », « pas libérale », s’empresse-t-il de préciser. Et celui-ci de plaider pour une loi foncière et un nouveau modèle de régulation.